CRISE LIBYENNE
Lâcheté des leaders africains ou rançon de la cupidité ?
Par Saliou Samb
La répression sauvage en Libye n'a pas seulement montré la face hideuse d'un colonel iconoclaste que tout le monde a qualifié de fou : elle a aussi révélé la lâcheté de nos dirigeants de camelote, anesthésiés par cette cupidité qui n'a d'égale chez eux que leur irresponsabilité.
Ce ne sont pas seulement des Libyens qui sont morts dans cette entreprise surréaliste du dirigeant libyen, cherchant vaille que vaille à s'accrocher à un pouvoir qui lui glisse résolument entre les doigts, et qui traite ses compatriotes de "rats" et de "terroristes". Selon plusieurs témoignages concordants, des milliers d'Africains assimilés à des mercenaires venus à la rescousse du régime libyen, sont menacés de mort. Les plus malheureux ont d'ailleurs été lynchés par une foule en colère, incapable de discernement dans une situation aussi confuse.
Au même moment, l’apathie, voire la complicité des régimes d’Afrique au sud du Sahara, semble si évidente qu’on a du mal à l’expliquer. Pourquoi une telle attitude ? Pourquoi un tel degré de lâcheté ? La raison est simple : soit la plupart nos petits chefs pensent en ce moment à la tirelire trouée du Guide décoiffé, soit le reste du groupe de comédiens professionnels qui nous dirigent, beaucoup plus nombreux, font une fixation sur les propos dangereux de ce démagogue indécrottable qui est parvenu à se convaincre qu’il a le pouvoir de se régénérer, de renaître tout seul de ses cendres, au milieu des corps calcinés de ses compatriotes, des gravas et des bâtiments détruits. Tel ce "sorcier" vivant dans une misère affligeante mais qui promet monts et merveilles à ceux qui viennent consulter sa science !
Pourquoi Kadhafi ne se prendrait-il pas pour Dieu le père pendant que nous y sommes, d’autant plus qu’au cours de ces dernières années, c’est à peine si les costumes et grands boubous de nos leaders à plat ventre ne remplaçaient pas le tapis rouge de l’Union africaine (sa "créature") pour accueillir le "Grand Guide" ?
Nos – indignes - "rois" l’ont intronisé "Roi des rois", nos populations affamées l’ont accueilli comme un messie, ses hôtels, ses hôpitaux et ses grands chantiers ont poussé un peu partout à travers ce continent de la main tendue (voir aussi le post « Notre Khadafi qui est sur terre ») où il y a une énorme et scandaleuse confusion dans la compréhension des notions d’Etat et de pouvoir. "Le peuple qui ne m’aime pas ne mérite pas de vivre !" ; la logique du colonel fou est claire.
A partir de là, il est important de se poser certaines questions sur la volonté des Africains de se faire respecter à travers le monde. C’est quoi un gouvernement qui n’a pas le courage de condamner les actes d’un homme aussi cruel qui bombarde son propre peuple dans le simple but de se maintenir au pouvoir ? C’est quoi un "chef d’Etat" qui, au mépris des règles démocratiques, n’ose pas dénoncer le soutien ouvert de Kadhafi à de nombreux mouvements de rébellion qui minent l’avenir de ce continent ? A quoi sert-il d’avoir un Etat incapable de prendre à temps, sans faiblesse et sans hésitation toutes les mesures qui s’imposent pour sauver la vie de ses citoyens en danger dans un pays dirigé par un sanguinaire ? A quoi sert l’Union africaine si c’est pour continuer à organiser des séances de chants à la gloire d’un homme qui méprise tous ses membres ? C'est quoi cet abandon d'initiative des Africains quand on sait que se joue en Libye l'une des plus grandes mutations du monde de ces dernières années ? Evidemment, nos dirigeants préfèrent laisser le temps faire son oeuvre, espérant - vainement - qu'il leur sera favorable.
Pourtant, un jour - que nous espérons très proche - viendra où, les mêmes personnalités, libérées de leurs entraves, se rueront comme des vautours sur le cadavre d’un homme fait de chair et de sang, incroyablement incohérent dans ses discours, à la santé mentale douteuse. Ce jour-là, nos petits chefs auront au moins le "courage" indien de dénoncer sa "dictature"…